Le projet de loi C-27, la Loi de 2022 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique, a été appelé pour débat en deuxième lecture à la Chambre des Communes le vendredi 4 novembre. Il édicterait la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs (LPVPC), la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données (LPTRPD) et la Loi sur l'intelligence artificielle et les données (LIAD). Vous pouvez lire notre résumé de ses points les plus saillants ici.

Le gouvernement libéral a présenté ses arguments en faveur du projet de loi vendredi, déclarant que le Parlement doit instituer une réforme en profondeur de la loi sur la protection de la vie privée afin d'adapter les lois canadiennes sur la protection de la vie privée au 21e siècle.

Bien que les partis d'opposition s'accordent sur le principe du projet de loi C-27, ils ont émis de nombreuses réserves à son sujet et font pression pour qu'il fasse l'objet d'une étude rigoureuse en comité.

La « confiance des consommateurs » était l'un des thèmes clés du débat à la Chambre des communes. L'étude et les délibérations à venir porteront sans doute sur la façon dont les organisations du secteur privé – et les législateurs – peuvent accroître la confiance des consommateurs grâce aux mesures prévues par le projet de loi C-27.

Le Comité permanent de l'industrie et de la technologie étudiera celui-ci s'il passe l'étape de la deuxième lecture.

La position du gouvernement

François-Philippe Champagne, ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie et parrain du projet de loi C-27 a déclaré vendredi que le projet de loi sert quatre grands objectifs :

  1. donner aux gens un meilleur contrôle de leurs données en ligne;
  2. protéger les renseignements personnels des enfants;
  3. veiller à une utilisation responsable de l'intelligence artificielle (IA); et
  4. adapter les lois canadiennes sur la protection de la vie privée au 21e siècle.

Dans son discours à la Chambre des communes, il a affirmé que le Canada serait l'un des premiers pays au monde à adopter une loi exhaustive sur l'intelligence artificielle, si le Parlement adopte la LIAD. En réponse aux questions des médias sur les critiques formulées à l'égard de celle-ci, le ministre Champagne a rappelé que le gouvernement a mené de vastes consultations lors de la rédaction du projet de loi et qu'il ne se laissera pas dissuader lorsqu'il s'agira de faire adopter les dispositions relatives à l'IA qu'il renferme.

Il a par ailleurs affirmé être très fier des mesures prévues dans le projet de loi C-27 pour la protection des renseignements personnels des enfants. En effet, la LPVPC définirait les renseignements personnels des mineurs comme « sensibles », ce qui imposerait des obligations plus importantes pour la collecte, l'utilisation et la communication de ces renseignements. 

Le ministre Champagne a souligné qu'en application des nouvelles dispositions d'exécution du projet de loi, le Canada disposerait des sanctions pécuniaires parmi les plus sévères du G7 pour le non-respect des lois sur la protection de la vie privée.

Il a également fait valoir que le projet de loi réussit à atteindre un équilibre assuré entre le droit à la vie privée et la nécessité d'une innovation responsable. Le ministre a indiqué que cela était particulièrement vrai en ce qui a trait à la nouvelle exception d'« intérêt légitime », laquelle s'accompagnerait d'un filet de sécurité. Selon lui, la LIAD favorise l'innovation responsable, car la loi permettrait d'instaurer la confiance et d'atténuer les risques que représentent les systèmes d'IA à incidence élevée (les systèmes à incidence élevée ne sont pas actuellement définis dans le projet de loi, mais le seront plus tard par voie réglementaire).

Le ministre Champagne a souligné qu'il était impératif que le Canada maintienne son statut en matière de protection adéquate, lequel lui a été accordé en vertu du Règlement général sur la protection des données de l'Union européenne (RGPD). La modernisation des lois sur la protection de la vie privée contribuera à l'atteinte de cet objectif.

Il a exhorté la Chambre à renvoyer le projet de loi en comité.

Les préoccupations de l'opposition

Les partis de l'opposition ont exprimé de nombreuses réserves à propos du projet de loi, bien que tous reconnaissent la nécessité d'une réforme de la loi sur la protection de la vie privée.

Les conservateurs ont fermement énoncé leur position en déclarant que le projet de loi C-27 devrait reconnaître le droit à la vie privée comme un droit fondamental. Lorsque les députés du Parti conservateur ont interrogé le ministre à ce sujet, ce dernier a indiqué que le préambule du projet de loi reconnaissait ce droit. Les conservateurs ont alors répliqué que celui-ci devait être expressément établi dans le projet de loi.

Ils ont également préconisé le renforcement des dispositions du projet de loi C-27 relatives à la dépersonnalisation, soutenant que l'anonymisation complète des renseignements personnels dans les circonstances applicables devrait plutôt être la norme.

Les députés conservateurs ont en outre avancé que l'exemption au titre de l'intérêt légitime, telle qu'elle est formulée dans le projet de loi, offre aux entreprises une trop grande latitude pour déterminer quand invoquer l'exception au consentement. Ils ont présenté les dispositions du RGPD relatives à l'intérêt légitime comme un modèle à suivre, affirmant que celles-ci sont plus restrictives. 

Le NPD a exprimé ses inquiétudes à propos de la composition du Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données (le « Tribunal »). Les membres du NPD se sont plus particulièrement interrogés sur la nomination potentiellement stratégique des membres du tribunal, lesquels, nommés par le gouvernement comme le prévoit la LPTRPD, pourraient annuler, à des fins politiques, les décisions d'exécution de la loi prises par le Commissaire à la vie privée du Canada. En réponse aux questions à ce sujet, le ministre Champagne a rappelé que les tribunaux spécialisés sont monnaie courante et que l'équité procédurale serait toujours protégée. Il a également indiqué que les décisions du tribunal feraient l'objet d'une révision judiciaire.

Pour leur part, le Bloc Québécois et les conservateurs estiment que certaines parties du projet de loi sont tout à fait insuffisantes. De nombreuses voix se sont élevées pour demander que la LIAD soit complètement abandonnée ou qu'elle fasse l'objet d'un projet de loi distinct visant l'intelligence artificielle. D'après les conservateurs, la loi proposée est précipitée, les consultations menées à son sujet ont été inadéquates et elle accorde un pouvoir discrétionnaire trop important aux règlements, au ministre et aux délégués. Le Bloc Québécois, lui, juge que le lien logique entre les objectifs de la LIAD et ceux des autres lois contenues dans le projet de loi C-27 est faible; il suggère donc que la LIAD fasse l'objet d'un projet de loi distinct.

Le Bloc appuiera le projet de loi en deuxième lecture, mais souhaite qu'une étude approfondie en soit faite en comité. Il préfère un modèle prescriptif, se rapprochant davantage du RGPD et souhaite que le caractère adéquat des mesures législatives du Québec soit pleinement respecté. Les députés du Bloc Québécois demanderont plus de précisions au gouvernement sur la façon dont les lois provinciales seront traitées si le projet de loi C-27 est adopté, surtout dans les provinces disposant actuellement de lois reconnues comme étant « essentiellement semblables » à la LPRPDE, ce qui signifie que, dans ces provinces, l'application de la législation fédérale sur la protection de la vie privée dans le secteur privé est limitée. 

Conclusion et prochaines étapes

La deuxième lecture du projet de loi C-27 se poursuivra à une date ultérieure.

Le ministre Champagne souhaite que cette loi soit adoptée assez rapidement, mais les parlementaires de l'opposition semblent déterminés à étudier le projet de loi avec attention, à solliciter l'avis de diverses parties intéressées et à y apporter d'importantes modifications si cela s'avère nécessaire.